L'esthétique de la sobriété : Quitter les fondations

Ce blog avait vu le jour suite à mon départ de Paris en 2017 et à une chouette expérience de néo-ruralisme naïf en mode autonomie, permaculture, bioclimatisme. Les quelques articles entre 2017 et 2022 partagent certains points de cette expérience. Depuis 2022, nous avons fait le choix de quitter notre maison à la campagne, de quitter ses fondations, pour tenter l’expérience d’une vie en Tiny House sans fondations.

À la base de ce choix, réfléchit depuis longue date, c’est notre région d’implantation que nous voulions quitter : trop plate, trop conventionnelle, trop proche d’une grande ville. La pandémie récente a changé notre rapport au télétravail, et a donc rendu possible un plus grand éloignement de Paris pour opter pour une région plus vallonnée, plus alternative, et à 45 minutes d’une grande ville.

La seconde raison de ce choix, est mon souhait de ne plus être endetté pour ne pas soumettre mes choix futurs sur des obligations de rembourser. Ceci a nécessité de revoir à la baisse le projet, en particulier en terme de surface habitable. Ce qui rejoint notre volonté de réduire notre empreinte sur le monde, notamment en terme d’artificialisation des sols. Quitter les fondations : arrêter le prêt immobilier qui finance les fondations des maisons et les mètres carrés habitables.

Nous expérimentons la vie dans 18m2 à 2, ce qui reste très confortable et très privilégié. Nous ne sommes pas raccordés aux réseaux électrique et eau de ville. L’accès à l’eau se fait à 200m de la maison en rechargeant environ 50L tous les 2-3 jours par transport de bidons. L’électricité est produite par des panneaux photovoltaïques et stockée dans des batteries. La source principale d’énergie pour chauffer est le bois, avec un petit complément gaz pour l’instant, et l’aide du soleil (en direct sur les Tiny et en four solaire).

Après moins d’un mois d’expérience, ce qui me marque le plus c’est moins cette réduction choisie de confort en terme d’énergie et d’eau, qu’une sensation de fragilité, de vulnérabilité en particulier face à l’environnement (la pluie, la canicule, le vent). J’ai l’intuition que cette vulnérabilité sans fondations m’est et me sera bénéfique pour trouver une plus juste place dans ma façon d’habiter le monde. « Plus juste » dans le sens de réduire l’accaparement des richesses dont nos styles de vie occidentaux dépendent pour permettre à d’autres de s’émanciper des néo-colonialismes du XXIe siècle : exploitation des ressources énergétiques, extractivismes miniers et déversement de containers de déchets.

Quitter les fondations c’est aussi, plus symboliquement, s’émanciper des légendes qui fondent nos façons de vivre en France en 2022. A minima de prendre conscience que ce ne sont que des légendes (non l’Amérique n’a pas été découvert par Christophe Colomb, non un ordre supposé naturel ne justifie aucun ordre social, non la révolution agricole n’a pas eu lieu, non l’origine des inégalités n’existe pas, non le capitalisme et le libéralisme économique ne sont pas la fin de l’histoire, non notre cerveau ne nous conditionne pas à la démesure, non la transition énergétique n’est pas soutenable, non la science n’est pas se rapprocher de la vérité, etc…) et humblement de dé-re-construire une façon plus juste d’habiter le monde, d’imaginer le futur, et d’être en relation.